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Non-concurrence : prévoyez pour ne pas subir!

Auteurs : Maître Christian MENARD et Maître Christelle LAVERNE, Avocats au Barreau de CHAMBERY
Publié le : 20/11/2017 20 novembre nov. 11 2017

Paru dans La Vie Nouvelle le 10 novembre 2017

« On n'est jamais trahi que par les siens ». Vous êtes innovant, sur un secteur porteur, vous travaillez en équipe, avec des collaborateurs des partenaires, des associés et vous avez raison ! Mais si un jour vous deviez vous séparer ou s’ils décident de vous quitter, que se passera t il ?

Clause de non concurrence et contrat de travail : pensez a ne pas l’oublier
 
Pour l’employeur : une protection efficace mais sujette à pièges…
 
Déjà protégé par le Code du Travail qui impose au salarié une obligation de loyauté pendant l’exécution de son contrat (article L.1222-1) l’employeur se doit d’anticiper la fin du contrat. C’est à ce moment que le danger peut être grand. Dès la conclusion du contrat il faut penser à la clause de non concurrence. Très encadrée car c’est une atteinte à la liberté de travail pour le salarié, sa rédaction doit être minutieuse. Elle n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de lui verser une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.
 
Ainsi l’activité faisant l’objet de la clause devra être déterminée avec précision pour qu’il y ait un intérêt légitime. Le salarié a-t-il accès à des données sensibles, des informations confidentielles ? Ne sera pas valable une clause à l’égard d'un magasinier n'ayant pas de contact avec la clientèle. Les notions de temps et d’espace dépendront de la qualification professionnelle du salarié, de ses responsabilités et des intérêts de l’entreprise à protéger. De quelques kilomètres à vol d’oiseau pour un coiffeur, elle peut couvrir l’ensemble du territoire national pour un directeur. Enfin, sa contrepartie financière ne doit pas être dérisoire.
 
Sa mise en œuvre est tout aussi délicate. Faut-il l’appliquer ou peut-on y renoncer ? Seul l’employeur peut y renoncer si cette possibilité est expressément prévue par le contrat de travail ou la convention collective ; à défaut, il lui faudra obtenir l'accord du salarié. S’il a la possibilité d’y renoncer, il devra être attentif aux délais. Le choix doit être rapide pour que le salarié soit fixé. S’il y a dispense d’exécution du préavis, la date d’exigibilité de la contrepartie financière est le départ effectif de l’entreprise sans tenir compte des dispositions conventionnelles ou contractuelles fixant un délai de renonciation (Cass soc 21 janvier 2015 n°13-24471).
 
Pour le salarié : une atteinte à la liberté de travail qui peut rapporter.
Il y a incontestablement une atteinte à la liberté de travail. Si le salarié souhaite partir comment peut-il envisager son avenir ? La clause va-t-elle s’appliquer avec une restriction importante ou l’employeur accepte-t-il d’y renoncer ? Il faudra y penser dès la signature du contrat et le négocier si nécessaire.  Lors de la rupture, si la clause s’applique, elle le sera dans sa totalité et l'employeur devra verser l'indemnité compensatrice quand bien même le salarié serait à la retraite ou inapte au travail. Cette indemnité est forfaitaire, elle est due sans que le salarié ait à justifier de son préjudice, quel que soit le risque qu'il exerce une activité concurrentielle, le juge ne pouvant en modifier le montant.
 
A l’inverse, en cas de violation de la clause les juges sont sévères. Le salarié qui viole l'obligation contractuelle de non-concurrence perd le droit à l'indemnité compensatrice prévue et il peut également être condamné à rembourser et à réparer le préjudice subi par l'ancien employeur ou même se voir interdire par le juge de poursuivre son activité.
 
Au-delà, le nouveau partenaire du salarié sortant (employeur ou non) peut en outre voir sa responsabilité engagée.
 
Non-concurrence et relations commerciales : n’oubliez pas d’y penser
 
En présence d’une clause de non-concurrence…
 
La clause de non-concurrence peut figurer dans tout contrat commercial, sans même, en l’occurrence, qu’il soit nécessaire de prévoir une contrepartie financière. Il convient dès lors d’être particulièrement vigilant, tout autant à l’occasion de l’entrée en relation avec un nouveau partenaire, qu’à l’occasion de la rupture du contrat.
 
Ainsi, le chef d’entreprise qui s’engage avec un nouveau prestataire ou un nouveau fournisseur doit préalablement s’assurer que ce prestataire ne s’est pas interdit, dans le cadre d’une autre relation, salariée ou non, de signer valablement ce nouveau contrat.
 
A défaut, le bénéficiaire de la clause de non-concurrence pourrait, en plus d’inquiéter son ancien cocontractant, engager la responsabilité de son concurrent négligent. A cet égard, même si la mauvaise foi ne se présume pas et qu’il appartient à celui qui se prévaut de l'existence de la clause de prouver qu'elle était connue du tiers, certains juges sont tentés de faire peser sur ce tiers une obligation de s'informer sur la réalité de la liberté de son cocontractant, tout particulièrement lorsque celui-ci justifie d’une longue expérience, a fortiori au sein d’une même structure.
 
Celui qui rompt une relation commerciale doit également être vigilant et s’assurer qu’il peut valablement s’engager. Certains contrats de prestations de services prévoient que le client s’interdit, pendant une durée limitée à compter de la cessation de la relation, de contracter directement avec les collaborateurs du prestataire.
 
Il faut préciser ici qu’en cas de violation d’une clause de non-concurrence, celui qui en bénéficie peut solliciter :
  • le bénéfice de la clause pénale si elle est prévue au contrat,
  • outre, dans tous les cas, le paiement de dommages et intérêts dont le montant sera fixé en considération du préjudice subi.
 
Il faut préciser encore que l'absence de condamnation de celui qui a violé la clause n'empêche pas la juridiction commerciale de se tirer les conséquences d'une éventuelle complicité du nouveau partenaire.
En revanche, le créancier de l'obligation d'abstention pourra cumuler cette action avec une action à l'encontre du débiteur de la clause.
 
La sanction, pour le seul nouveau partenaire, peut être particulièrement lourde notamment si un chiffre d’affaires important a été réalisé au mépris des droits du bénéficiaire de la clause.
 
… et même en l’absence de toute clause
 
En tout état de cause, la concurrence déloyale est prohibée et protège celui qui, du fait d’actes contraires à la loyauté commerciale, subit un préjudice.
 
Le chef d’entreprise doit donc également se méfier d’un nouveau partenaire qui se présenterait avec des informations inopinées (bases de données ou autres), possiblement obtenues de façon déloyale auprès d’un concurrent, et de nature à l’avantager commercialement.
La théorie du parasitisme permet notamment de sanctionner celui qui tente de profiter des investissements et de l'image de marque d'autrui, à moindre prix. L’opérateur économique qui aurait sciemment bénéficié de procédés déloyaux pourrait, alors même qu’il n’en serait pas l’auteur, voir sa responsabilité engagée.
 
Là aussi, la sanction peut être sévère puisqu’elle sera appréciée en considération de la perte subie ou du gain manqué, en raison notamment de la confusion créée dans l’esprit de la clientèle ou de la désorganisation de l’entreprise résultant des agissements déloyaux.
 
En bref, que vous soyez salarié ou chef d’entreprise, au sortir ou à l’entrée d’une relation contractuelle, veillez, sans excès de prudence, à agir avec suffisamment de précaution, pour vous prémunir d’un risque de sanction financière de nature à fragiliser n’importe quel opérateur économique.
 
 
 

 

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