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Le débiteur à l’épreuve de la saisie immobilière : quand la volonté peut tout !

Le débiteur à l’épreuve de la saisie immobilière : quand la volonté peut tout !

Publié le : 08/12/2022 08 décembre déc. 12 2022

par Christelle LAVERNE, Avocat associé

Souvent la procédure de saisie immobilière est perçue comme un processus inéluctable et, à ce titre, elle fait peur ! Le débiteur, incapable de faire face à une dette, craint d’être spolié. Le créancier redoute quant à lui cette procédure contraignante, dont il appréhende la longueur et le coût. Une autre voie est presque toujours possible, pour peu que le débiteur s’en saisisse utilement.

Les grands principes qui régissent la procédure


Un créancier titulaire d’un titre exécutoire (un jugement, un acte notarié…) qui constate une créance liquide et exigible peut mettre en œuvre à l’encontre de son débiteur une procédure de saisie immobilière.

Il doit, pour ce faire, s’adresser à un avocat inscrit au Barreau du Tribunal devant lequel la vente aux enchères va se dérouler, en matière de saisie immobilière le lieu de la situation de l’immeuble.

Cette procédure est règlementée par le Code des Procédures Civiles d’Exécution.

Elle ne mérite pas « sa mauvaise réputation » car menée par un avocat qui en maîtrise la technique, elle s’analyse comme une procédure d’exécution équilibrée qui, sous le contrôle du juge de l’exécution, respecte les intérêts contradictoires :
- du créancier qui veut obtenir le recouvrement de sa créance,
- du débiteur poursuivi,
- et des autres créanciers ayant inscrit une hypothèque sur le bien mis en vente, en garantie de leur créance.

Le déroulement de la procédure avec, à chaque stade, la place offerte au débiteur de bonne foi

La mise en œuvre d’une procédure de saisie immobilière exige la vérification préalable :
- de la portée indiscutable du titre qui consacre une créance à l’encontre du débiteur propriétaire d’un bien immobilier,
- de l’existence de ce bien immobilier dans le patrimoine du débiteur.

L’avocat du créancier rédige un acte dénommé commandement immobilier qui est délivré au débiteur par un huissier de justice, puis publié au Service de la Publicité Foncière afin que les tiers puissent avoir connaissance de la procédure de saisie immobilière en cours, qui rend le bien indisponible.

Dès la délivrance de ce commandement, le débiteur peut réagir utilement auprès du créancier et, s’il présente des garanties suffisantes de nature à le désintéresser dans des conditions satisfaisantes, ce dernier peut accepter d’abandonner la procédure.


Cette démarche doit être mise en œuvre loyalement par le débiteur, sous peine de dissuader le créancier pour qui l’enjeu est capital puisqu’en abandonnant la saisie, il perd le bénéfice de l’interruption de la prescription attachée à l’introduction de cette procédure.

8 jours après la délivrance du commandement valant saisie immobilière, l’huissier dresse un procès-verbal décrivant l’immeuble saisi ainsi que les conditions d’occupation et fait réaliser les diagnostics techniques obligatoires (surface CARREZ, plomb, amiante…).

Au vu de ces documents, l’avocat du créancier poursuivant :
- fixe avec son client le montant de la mise à prix du bien,
- assigne le débiteur devant le juge de l’exécution du Tribunal Judiciaire compétent à une audience dite « d’orientation »,
- établit un cahier des conditions de vente qui est déposé auprès du greffe dans les 5 jours de la délivrance de l’assignation, qui permet à tout intéressé de recueillir des renseignements aussi bien sur l’immeuble que sur la procédure.

L’audience d’orientation est un rouage essentiel de la procédure de saisie immobilière.

A cette audience sont traitées toutes les contestations éventuelles et, à l’issue, le juge décide de l’orientation du dossier :
- vers une vente forcée,
- ou vers une vente amiable.

En effet, le débiteur poursuivi peut demander à ce stade à être autorisé à vendre amiablement son bien.

Assisté ou non par un avocat, il doit être en mesure de présenter au magistrat un dossier justifiant du sérieux de sa démarche, en produisant des mandats de vente confiés à des agents immobiliers pour un prix cohérent, ou, mieux, l’offre acceptable d’un acquéreur potentiel.

Le juge de l’exécution apprécie s’il y a lieu d’autoriser la vente amiable et, s’il le fait, il fixe le montant du prix en deçà duquel l’immeuble ne peut être vendu en considération des conditions économiques du marché et, le cas échéant, des circonstances particulières de la vente.

Le choix de ce prix est irréversible : la vente qui se ferait dans des conditions de prix moindre ne serait pas validée par le juge de l’exécution.

A dater du jugement d’orientation qui autorise la vente amiable, le débiteur dispose d’un délai de 4 mois pour justifier de sa réalisation, délai qui peut être prorogé de 3 mois si ce dernier justifie de l’existence d’un compromis de vente.

La concrétisation de la vente amiable exige une collaboration active entre l’avocat poursuivant et le notaire du débiteur qui doit garder à l’esprit que l’acte qu’il reçoit n’est pas une vente immobilière habituelle mais une vente « sous contrôle judiciaire » qui lui impose, notamment, de prévoir la prise en charge des frais et émoluments de poursuites et de vente amiable par l’acquéreur.

A défaut de vente amiable – soit qu’elle n’ait pas été demandée, soit qu’elle n’ait pas été finalisée dans les conditions requises -, la vente forcée est ordonnée et le juge fixe la date de l’audience dite « d’adjudication ».

Cette audience est précédée d’une publicité, à l’initiative de l’avocat du créancier poursuivant, dans un journal d’annonces légales et sur l’immeuble mis en vente.

Sur autorisation délivrée par le juge de l’exécution, une visite du bien est organisée par un huissier.

Depuis 2019, le débiteur peut encore, jusqu’à l’ouverture des enchères, obtenir l’accord du créancier poursuivant et des créanciers inscrits sur l'immeuble saisi pour vendre le bien de gré à gré.

La vente de gré à gré est alors constatée par le juge à l’audience d’adjudication.

Le créancier peut également choisir de ne pas requérir la vente si un accord est intervenu avec le débiteur, selon des modalités propres à satisfaire ses intérêts, étant toutefois précisé que d’autres créanciers qui bénéficieraient de garanties sur le bien ont la possibilité de reprendre la procédure pour leur compte.

Selon la nature du bien et les conditions du marché, le créancier poursuivant n’a pas toujours intérêt à requérir, coûte que coûte, la vente forcée, alors surtout qu’en l’absence d’enchérisseur, c’est lui qui demeurerait adjudicataire.

Faute d’un tel accord, à la date fixée par le juge, les personnes intéressées par le bien, nécessairement représentées par un avocat inscrit au Barreau du Tribunal Judiciaire qui connaît de la vente, se présentent à l’audience publique, munies d’un chèque de banque ou d’une caution bancaire irrévocable, représentant 10 % du montant de la mise à prix sans que cette garantie puisse être inférieure à 3 000 euros.

Après que l’avocat du créancier poursuivant a sollicité du juge de l’exécution qu’il ordonne la vente aux enchères sur la mise à prix fixée dans le jugement d’orientation et qu’il détermine le montant minimal de chaque enchère (généralement 1 000 euros), les avocats mandatés portent, tour à tour, les enchères.

Les enchères s’arrêtent lorsque 90 secondes se sont écoulées depuis la dernière enchère portée.

L’avocat qui a porté la dernière enchère avant l’écoulement des 90 secondes fatidiques déclare au juge et au greffier l’identité de son mandant lequel est ensuite déclaré adjudicataire.

Un jugement d’adjudication est rendu et, une fois les frais et émoluments payés par l’adjudicataire et le prix consigné, il est publié auprès du Service de la Publicité Foncière compétent avec la même portée qu’un acte de vente reçu par un notaire.
*          *          *

Finalement, à tout moment d’une procédure de saisie immobilière, le débiteur de bonne foi dispose d’occasions d’entrer en discussion avec son créancier dans le but de trouver une solution amiable au mieux des intérêts de chacun, et seule son inertie, ou sa mauvaise foi, conduiront à la vente forcée du bien, dans des conditions potentiellement moins satisfaisantes qu’une vente amiable ou de gré à gré.




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